Un nouveau rapport d'Amnesty International fait état de détentions arbitraires sans inculpation ni jugement, de disparitions forcées et d'actes de torture et autres mauvais traitements commis à Camp Kami, dans le camp militaire de Mukamira et dans des lieux de détention clandestins situés dans la capitale, Kigali.
Afin que l'Etat de droit acquière une réalité tangible, le Rwanda doit respecter et faire respecter les droits humains et mener les enquêtes nécessaires à l'identification du système de détention parallèle qui échappe à l'autorité du Service correctionnel du Rwanda (SCR), ainsi que juger les personnes responsables de ces atteintes aux droits humains. Un terme doit être mis au caractère secret qui entoure ces exactions.
En vertu du principe de responsabilité hiérarchique, les personnes qui contrôlent les services de renseignements militaires ou d'autres membres de l'armée peuvent être tenus pour responsables d'atteintes au droits humains lorsqu'ils savaient ou auraient dû savoir que les subordonnés commettraient, ou étaient susceptibles de commettre ces actes.
Complément d'information
Les arrestations récurrentes sont la suite d'enquêtes menées par les autorités rwandaises sur des questions de sécurité à l'approche du scrutin présidentiel d'août 2010, à la suite d'attaque à la grenade et de la fuite de l'ancien chef d'état-major, Kayumba Nyamwasa. Ces arrestations arbitraires sont menées par l'armée agissant parfois en collaboration avec la police.
La violence utilisée par les services secrets peut revêtir la forme de disparition forcée. L'armée procède à des enlèvements et à des détentions de personnes sans admettre leur arrestation ni divulguer leur lieu de détention.
Ces personnes détenues secrètement ne bénéficient pas des garanties auxquelles elles auraient eu droit en cas de détention dans des postes de polices ou dans des lieux de détention officiels. Elles sont soustraites à la protection de la loi et dépossédées de tous leurs droits. En effet, chaque disparition viole d'autres droits humains, notamment le droit à la sécurité et à la dignité, le droit à ne pas être privé arbitrairement de sa liberté, le droit à un procès équitable, le droit à ne pas être soumis à la torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit à une vie de famille, le droit à la liberté d'expression, le droit à la vie dans certains cas, etc.
Les interrogatoires menés lors de ces détentions dépourvues de tout contrôle sont trop souvent assortis d'actes de torture ou autres mauvais traitements – passage à tabac, décharges électriques, isolation en étant attachés – ce qui peut nous faire douter de la fiabilité des aveux qui en résultent.
Par ailleurs, les disparitions forcées affectent également les familles qui n'ont plus aucun contact avec la personne détenue/disparue. Les autorités ne fournissent généralement aucune réponse officielle qui confirmerait l'arrestation de l'un ou l'autre personne, et dans de rares cas où un membre de l'armée ou de la police donne une confirmation orale, elle sera assortie d'un refus d'indiquer le lieu où la personne se trouve.
Cela pose, en outre, des problèmes de survie pour les familles si l'on est en présence d'un décès. Non seulement elles n'ont pas la capacité de faire leur deuil, mais cela engendre aussi des obstacles légaux à l'obtention d'une aide ou une pension en cas d'absence de certificat de décès.
Une autre violation constatée est la privation de contact avec un avocat. Font également défaut les soins médicaux et la possibilité de contester les charges qui pèsent sur eux devant les tribunaux.
Dans les cas de réapparition, de nombreuses personnes arrêtées et détenues illégalement ont été par la suite inculpées pour avoir menacé la sécurité nationale. D'autres sont libérés avec la consigne de garder le silence…
L'état de la législation au Rwanda
Amnesty International accueille avec intérêt la pénalisation de la torture au Rwanda et la ratification, le 13 juin 2012, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, ratification qui est assortie de l'invitation faite au rapporteur spécial sur la torture à se rendre au Rwanda.
Cependant, les enquêtes peinent à se mettre en route. Les responsables ne sont pas poursuivis en justice, par conséquent le Service de renseignement militaire (appelé J2) risque d'être tenté de recourir à nouveau à de telles pratiques en cas de menaces à la sécurité, qu'elles soient réelles ou supposées.
Amnesty International ainsi que le Comité des Nations unies contre la torture appellent le gouvernement rwandais à enquêter sur les informations faisant état de lieux de détention secrets et à fournir des informations sur les disparitions forcées. Effectivement, aucune des allégations de torture exposées dans le rapport du Comité, Dans le plus grand secret, n'a fait l'objet d'une enquête des autorités rwandaises.
D'autre part, Amnesty International demande également à ce que les responsables des détentions et enlèvements soient déférés devant les tribunaux et cessent de jouir d'une impunité inadmissible. La disparition est un crime de droit international qui est rarement sanctionné et auquel recourent encore de trop nombreux Etats afin de réduire les dissidents, opposants ou groupes ethniques, religieux et politiques au silence. La même menace pèse sur quiconque tentera de présenter des allégations de détention illégale ou de torture.
Amnesty condamne toutes les disparitions forcées. Elle sollicite des États la libération des personnes qui ne seraient pas inculpées d'une infraction légale et jugées équitablement, et exigent qu'ils indiquent les lieux de détention et le sort des victimes de disparition forcée.
Pour cette raison, Amnesty International et les autres membres de la Coalition internationale contre les disparitions forcées (ICAED) exhortent le Rwanda à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (entrée en vigueur le 23 décembre 2010).
La Convention consolide la législation internationale existante et codifie les droits des victimes et/ou de leur famille à la vérité, la justice et la réparation. En outre, des procédures de prévention des disparitions (notamment la mise à jour d'un registre des personnes privées de liberté) et des mesures pour traduire en justice les coupables sont prévues par la Convention.
Elle organise également la mise en place d'un Comité (réalisée le 31 mai 2011) sur les disparitions forcées qui a pour mission de surveiller la mise en œuvre de la Convention par les Etats parties. Ce Comité est également chargé de recevoir, d'une part, un rapport faisant état des mesures prises pour donner effet aux obligations découlant de la Convention, et d'autre part, de recevoir les plaintes émanant d'individus et d'Etats, si ces derniers reconnaissent la compétence dudit Comité. Par ailleurs, si le Comité est informé qu'un Etat porte atteinte aux dispositions de la Convention, il peut effectuer une visite dans le pays concerné. Il a, de plus, une fonction d'alerte puisqu'il notifie toute pratique généralisée et systématique de disparition forcée, par l'intermédiaire du Secrétaire général des Nations unies, à l'Assemblée générale, laquelle pourrait alors inciter le Conseil de sécurité à saisir la Cour pénale internationale pour un tel crime contre l'humanité.
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